C'est presque comme partir en vacances. On se met en route de bon matin, on va rouler toute la journée.
Il y aura les pauses pour se dégourdir les jambes, le pic-nic, un peu de lassitude parfois : "Est-ce qu'on est presque arrivés ? Maman, quand on arrivera, ça sera la nuit ?" Oui.
L'idée les inquiète un peu, peut-être de savoir qu'ils dormiront à poing fermés et qu'ils la manqueront, cette arrivée. Moi, j'ai toujours aimé arriver la nuit. Ces lieux inconnus où l'on parvient à la nuit noire, soulagés, fourbus, on n'en découvre d'abord que le coeur lumineux et les figures amies qui vous y attendent. On rira demain de la disposition des lieux, de la taille de l'arbre à l'entrée du chemin, que la fatigue et l'obscurité nous ont fait voir tout autre.
Quand on arrivera, ça sera la nuit. Une nuit sans lune dont les phares de la voiture ne révèlent rien que quelques mètres d'asphalte.
Au bout du chemin, je verrai pour la première fois la masse noire de la maison. Demain sera bien assez tôt pour m'émerveiller de ses murs de pierres, ses chambres claires, du potager et du cerisier qui croule de perles rouges, des champs au soleil. Pour ce soir il y aura deux arches de lumière douce dans la façade noire et ses bras ouverts pour nous accueillir. Ses grands bras qu'il refermera enfin sur nous comme il clôt la porte de notre maison.
Le carton à chapeau est un ravissant objet, tombé en désuétude On en fait de très élégants fourre-tout
mardi 8 septembre 2009
vendredi 24 juillet 2009
C'est comme ça et puis c'est tout...
mardi 5 mai 2009
La tête dans le carton à chapeau, de choses et entre autres, du bonheur
Il était temps de faire quelque chose avant que mon abondant lectorat ne commence à user du fil des commentaires en guise de post-it sur le frigo. Chéri, peux-tu ramener du pain - ma belette, pense à rentrer la chatte, elle est dans l'escalier - j'ai oublié le tire bouchon/l'ouvre-boîte/la clé des champs, etc, etc.
Il est maintenant de notoriété publique que la transhumance familiale vers la Bretonnie a commencé. Deux mois étant de toute manière largement insuffisants pour roder une cellule familiale monoparentale, j'ai soigneusement évité de mettre à profit se laps de temps pour devenir une mère célibataire ultra-performante. Il est toujours bon que l'être aimé se sente indispensable, même à 900 bornes.
Et là, je pense avoir été brillante. A l'heure où j'écris ces lignes, il doit soupirer en tapant son deux-cent soixante huitième message me demandant pour la deux-cent soixante huitième fois toujours aussi patiemment et gentiment de bien vouloir, s'il-te-plaît ma douce, m'envoyer les identifiants de Free. J'ai poussé le détail jusqu'à fondre en larmes une ou deux fois au téléphone, sanglotant que je n'y arrivais paaaaaaas que j'étais nuuhuuuhuuuhulle, que je ne pouvais pas tout faire à la foiiiiiiiiiiiis. Le terrain est parfaitement préparé pour que je puisse me la jouer pure feignasse lorsque la migration sera achevée. Machiavélique.
J'étais donc bien trop occupée a fomenter d'odieux stratagèmes pour jeter une ligne sur ce blog et la couche de poussière qui s'amoncelait sur le clavier m'en dissuadait davantage chaque jour. Cependant, durant toutes ces semaines, une petite pensée a continué à me démanger. C'est que, voyez-vous, à ma grande fierté, je fus taguée. Invitée par l'amie Nine à discourir du bonheur. "Fastoche !" me suis-je dit. Du petit bonheur façon Delerm troussé vite-fait, parce qu'on fond c'est ça le bonheur, hein, finalement.
Vraiment ?
Je ne saurais que trop remercier Nine : comme je gamberge depuis qu'elle a lancé ses lignes ! Cent fois j'ai voulu l'écrire, ce billet. Je le rédigeais dans ma tête en poireautant dans un embouteillage, en faisant la vaisselle, penchée sur ma machine. Chaque fois que je pensais le saisir, le sujet s'échappait, changeait de forme à tel point que j'ai presque fini par savoir ce que j'en pensais de ce fameux Bonheur.
Le Bonheur au fond c'est très surfait. On a monté l'affaire en épingle, on s'en est fait une montagne, c'est le loup blanc, l'Arlésienne, tout le monde lui court après. Et comme on désespère de l'atteindre un jour, on se console avec ses soit-disant "petits bonheur".
Et pour cause, LE Bonheur n'existe pas, ni le grand, ni les petits. On se trompe. C'est beaucoup plus simple. C'est du bonheur qu'il s'agit. On en a ou pas. Comme on a, ou pas, du pain dans la huche, du dentifrice à la salle de bain.
A quantifier ou qualifier le bonheur on se frustre. Un dit "petit bonheur" ne vaut pas moins qu'un grand puisque c'est du bonheur ! Cessons de courir après une chimère et savourons-le avec le même plaisir. Oh bien entendu, j'utilise la métaphore du pain et l'on pourra objecter qu'il existe du bon pain et du moins bon. Certes, mais à rechercher le Grand Bonheur il faut veiller à garder l'âme élastique, à ne pas se laisser engloutir à ne pas s'enfuir car il peut être bien plus imposant qu'on ne l'imaginait. L'arrivée de mon double Grand Bonheur m'a laissé plus de vergetures au cœur qu'au ventre et longtemps j'ai cru que je ne serai pas de taille. Il a fallu que je l'apprivoise, que je façonne ce Bonheur pour qu'il devienne du bonheur. Du bonheur pour qu'il soit possible à vivre, pour pouvoir en prendre tous les jours. Ou pas. Sans que ce soit une catastrophe.
Un bonheur de taille à me laisser jouir de tous les autres.
Il est maintenant de notoriété publique que la transhumance familiale vers la Bretonnie a commencé. Deux mois étant de toute manière largement insuffisants pour roder une cellule familiale monoparentale, j'ai soigneusement évité de mettre à profit se laps de temps pour devenir une mère célibataire ultra-performante. Il est toujours bon que l'être aimé se sente indispensable, même à 900 bornes.
Et là, je pense avoir été brillante. A l'heure où j'écris ces lignes, il doit soupirer en tapant son deux-cent soixante huitième message me demandant pour la deux-cent soixante huitième fois toujours aussi patiemment et gentiment de bien vouloir, s'il-te-plaît ma douce, m'envoyer les identifiants de Free. J'ai poussé le détail jusqu'à fondre en larmes une ou deux fois au téléphone, sanglotant que je n'y arrivais paaaaaaas que j'étais nuuhuuuhuuuhulle, que je ne pouvais pas tout faire à la foiiiiiiiiiiiis. Le terrain est parfaitement préparé pour que je puisse me la jouer pure feignasse lorsque la migration sera achevée. Machiavélique.
J'étais donc bien trop occupée a fomenter d'odieux stratagèmes pour jeter une ligne sur ce blog et la couche de poussière qui s'amoncelait sur le clavier m'en dissuadait davantage chaque jour. Cependant, durant toutes ces semaines, une petite pensée a continué à me démanger. C'est que, voyez-vous, à ma grande fierté, je fus taguée. Invitée par l'amie Nine à discourir du bonheur. "Fastoche !" me suis-je dit. Du petit bonheur façon Delerm troussé vite-fait, parce qu'on fond c'est ça le bonheur, hein, finalement.
Vraiment ?
Je ne saurais que trop remercier Nine : comme je gamberge depuis qu'elle a lancé ses lignes ! Cent fois j'ai voulu l'écrire, ce billet. Je le rédigeais dans ma tête en poireautant dans un embouteillage, en faisant la vaisselle, penchée sur ma machine. Chaque fois que je pensais le saisir, le sujet s'échappait, changeait de forme à tel point que j'ai presque fini par savoir ce que j'en pensais de ce fameux Bonheur.
Le Bonheur au fond c'est très surfait. On a monté l'affaire en épingle, on s'en est fait une montagne, c'est le loup blanc, l'Arlésienne, tout le monde lui court après. Et comme on désespère de l'atteindre un jour, on se console avec ses soit-disant "petits bonheur".
Et pour cause, LE Bonheur n'existe pas, ni le grand, ni les petits. On se trompe. C'est beaucoup plus simple. C'est du bonheur qu'il s'agit. On en a ou pas. Comme on a, ou pas, du pain dans la huche, du dentifrice à la salle de bain.
A quantifier ou qualifier le bonheur on se frustre. Un dit "petit bonheur" ne vaut pas moins qu'un grand puisque c'est du bonheur ! Cessons de courir après une chimère et savourons-le avec le même plaisir. Oh bien entendu, j'utilise la métaphore du pain et l'on pourra objecter qu'il existe du bon pain et du moins bon. Certes, mais à rechercher le Grand Bonheur il faut veiller à garder l'âme élastique, à ne pas se laisser engloutir à ne pas s'enfuir car il peut être bien plus imposant qu'on ne l'imaginait. L'arrivée de mon double Grand Bonheur m'a laissé plus de vergetures au cœur qu'au ventre et longtemps j'ai cru que je ne serai pas de taille. Il a fallu que je l'apprivoise, que je façonne ce Bonheur pour qu'il devienne du bonheur. Du bonheur pour qu'il soit possible à vivre, pour pouvoir en prendre tous les jours. Ou pas. Sans que ce soit une catastrophe.
Un bonheur de taille à me laisser jouir de tous les autres.
lundi 23 février 2009
J'ai bien de la chance
Oui, j'ai bien de la chance d'être HHHHelvète. Car le Roi des Helvètes veille sur moi et se préoccupe de mon avenir. Avenir qui, s'il s'obstine à ne pas rosir ici, me verra regagner fissa mes pénates natales avec armes, bagages et famille sous le bras !
Debout les Alpes ! Helvetus IV est immense et Plonk et Replonk (encore eux !) sont ses prophètes !
LIAUUUUUBAAAAAAAAAAAAAAA !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! (désolée, ça c'est pour les initiés)
Encore un billet de paresseuse, oui, ah làlà, mais zut, je fais ce que je veux et j'ai pas envie d'en faire plus. Nan, j'ai pas le mal du pays non plus mais je viens de recevoir un paquet contenant une quinzaine de tablettes de chocolat made in là-bas. Alors comprenez que le monde peut bien s'écrouler autour de moi, j'ai du Rayon et du Frigor noir, la vie est belle ! Yi-ha !
Debout les Alpes ! Helvetus IV est immense et Plonk et Replonk (encore eux !) sont ses prophètes !
LIAUUUUUBAAAAAAAAAAAAAAA !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! (désolée, ça c'est pour les initiés)
Encore un billet de paresseuse, oui, ah làlà, mais zut, je fais ce que je veux et j'ai pas envie d'en faire plus. Nan, j'ai pas le mal du pays non plus mais je viens de recevoir un paquet contenant une quinzaine de tablettes de chocolat made in là-bas. Alors comprenez que le monde peut bien s'écrouler autour de moi, j'ai du Rayon et du Frigor noir, la vie est belle ! Yi-ha !
vendredi 16 janvier 2009
Histoire de fantômes
Je compte des boutons.
Chaque jour commence par un interminable égrenage. Pourpoint après pourpoint, bouton après bouton, je vérifie que tout est solidement arrimé, que rien ne craque, qu'aucune rupture prochaine ne menace la représentation du soir. La tâche est un peu insipide mais nécessite concentration. Une bride en berne, un galon décousu allez, ouste ! A la panière ! Et puis je recommence, un, deux, trois...
Je m'interromps, attentive. J'ai entendu quelque chose : un rire étouffé, le bruit d'une course, lointaine. Allons, il n'y a personne. En cette heure matinale, le plateau est désert sous la lumière crue des services. Je reprends ma progression le long du portant, enjambant un pêle-mêle de bottes, d'escarpins à rubans et de rapières.
Cette fois c'est sûr, quelqu'un chuchote au creux de mon oreille. On tire sur l'ourlet de ma jupe. Je relève la tête, tout est silencieux. A l'autre extrémité des loges rapides, ma collègue continue son travail, sereine. Rien ne semble la déranger.
Je lance un regard soupçonneux à la Robe du Triomphe, hiératique sur son mannequin. Elle me toise, immobile, toute de satin broché crémeux, le tuyau d'orgue arrogant.
Une galopade ! Ça vient des cintres, non, des pendrillons ! On murmure quelque malice à propos d'une conduite égarée, d'une bretelle qui craque à deux minutes de l'entrée en scène, on cherche sa P...lz, sa M@glight. Ça parle de mise, de changements, d'accessoire oublié en loge. Là-bas, à la face, on déclame un texte. De la scène monte un son de plancher creux sous le martèlement rythmé de pieds invisibles. L'air sent le fard et la lumière brûlante.
Oh, je sais.
Je sais bien qui se joue de moi.
Les vieux démons...
Ils affectionnent les coulisses obscures, vivent derrière les cyclos et font claquer les trappes. Ils se nourrissent de l'adrénaline des courses à pas feutré, des changements rapides minutieusement réglés que le trac (ou trop d'assurance !) chamboule. Ils sont discrets, vêtus de noir. Ils marchent sur de souples et silencieuses semelles. Ils redoutent comme la peste de se trouver "à vue" et vont jusqu'à camoufler leur chevelure sous de petits bonnets noirs, lorsqu'une manipulation plus osée les mène à la lisière du plateau. Et jamais, au grand jamais, vous ne leur arracherez le mot "c...rde" !
Je secoue la tête pour en chasser la farandole de ces fripouilles, ramasse le raccommodage du jour et remonte m'atteler au repassage avec un léger pincement au cœur. Qu'importe, dans une minute je rirai aux éclats à la boutade de l'une ou l'autre de mes camarades lingères !
Encore une fois, je leur ai fait la nique.
Mes vieux démons ont nom Cour et Jardin.
Illustration : John Anster Fitzgerald, "Fairies In A Birds Nest" - détail
Chaque jour commence par un interminable égrenage. Pourpoint après pourpoint, bouton après bouton, je vérifie que tout est solidement arrimé, que rien ne craque, qu'aucune rupture prochaine ne menace la représentation du soir. La tâche est un peu insipide mais nécessite concentration. Une bride en berne, un galon décousu allez, ouste ! A la panière ! Et puis je recommence, un, deux, trois...
Je m'interromps, attentive. J'ai entendu quelque chose : un rire étouffé, le bruit d'une course, lointaine. Allons, il n'y a personne. En cette heure matinale, le plateau est désert sous la lumière crue des services. Je reprends ma progression le long du portant, enjambant un pêle-mêle de bottes, d'escarpins à rubans et de rapières.
Cette fois c'est sûr, quelqu'un chuchote au creux de mon oreille. On tire sur l'ourlet de ma jupe. Je relève la tête, tout est silencieux. A l'autre extrémité des loges rapides, ma collègue continue son travail, sereine. Rien ne semble la déranger.
Je lance un regard soupçonneux à la Robe du Triomphe, hiératique sur son mannequin. Elle me toise, immobile, toute de satin broché crémeux, le tuyau d'orgue arrogant.
Une galopade ! Ça vient des cintres, non, des pendrillons ! On murmure quelque malice à propos d'une conduite égarée, d'une bretelle qui craque à deux minutes de l'entrée en scène, on cherche sa P...lz, sa M@glight. Ça parle de mise, de changements, d'accessoire oublié en loge. Là-bas, à la face, on déclame un texte. De la scène monte un son de plancher creux sous le martèlement rythmé de pieds invisibles. L'air sent le fard et la lumière brûlante.
Oh, je sais.
Je sais bien qui se joue de moi.
Les vieux démons...
Ils affectionnent les coulisses obscures, vivent derrière les cyclos et font claquer les trappes. Ils se nourrissent de l'adrénaline des courses à pas feutré, des changements rapides minutieusement réglés que le trac (ou trop d'assurance !) chamboule. Ils sont discrets, vêtus de noir. Ils marchent sur de souples et silencieuses semelles. Ils redoutent comme la peste de se trouver "à vue" et vont jusqu'à camoufler leur chevelure sous de petits bonnets noirs, lorsqu'une manipulation plus osée les mène à la lisière du plateau. Et jamais, au grand jamais, vous ne leur arracherez le mot "c...rde" !
Je secoue la tête pour en chasser la farandole de ces fripouilles, ramasse le raccommodage du jour et remonte m'atteler au repassage avec un léger pincement au cœur. Qu'importe, dans une minute je rirai aux éclats à la boutade de l'une ou l'autre de mes camarades lingères !
Encore une fois, je leur ai fait la nique.
Mes vieux démons ont nom Cour et Jardin.
Illustration : John Anster Fitzgerald, "Fairies In A Birds Nest" - détail
samedi 3 janvier 2009
Du givre et des fraises
Comme autrefois, j'ai repris mon sac et suis montée dans ce train qui m'emmène à l'autre bout du pays. Comme autrefois il y avait sur le quai de la gare, un amoureux un peu anxieux et pourtant sûr de mon retour. Mais cette fois, il tenait les mains d'une petite fille interdite et d'un petit garçon en larmes et j'ai douté, de ce voyage, de ces bonnes raisons.
Et puis le balancement des rails et la morne plaine du Rhône ont eu raison de ces vaines questions. J'ai dormi.
Changement de gare, à Paris et comme autrefois, les couloirs du métro au galop, chargée comme une petite mule, ne pas relâcher la concentration avant d'avoir atteint, suant et soufflant, la seconde gare. Comme autrefois, toujours, s'écrouler dans le train suivant, croquer une pomme et reprendre le somme interrompu, plus sereine.
Entre deux somnolences, surgissent des bosquets givrés, irréels dans le soleil qui perce le brouillard. Dans un champ où une petite neige transparaît encore sous les feuilles vertes, trois biches, que la vitesse du train fige.
Comme autrefois, j'arrive dans une ville inconnue. Mais cette fois il n'y a pas d'hôtel. J'envahis de mes sacs et de mon bavardage un hôte doux et réservé qui me fait une place dans son logis, dans ses habitudes.
Au matin, je cavale, encore, soucieuse d'arriver à l'heure pour ce premier jour. A peine entrée je retrouve les sensations, les odeurs, les visages. Hier j'étais "accueillie", aujourd'hui c'est moi qui "accueille" mais les mêmes gestes reviennent, les questions rituelles. Je reprends avec délice le jargon du plateau. Pour quinze jours, juste quinze petits jours, goûter à nouveau au théâtre.
On jouera Shakespeare. Je passe ma première journée à défroisser, l'esprit léger, les fins volants de baptiste qui ornent les cols et les poignets d'une soixantaine de chemises. En guise de dessert, je tuyaute quelques fraises...
Et puis le balancement des rails et la morne plaine du Rhône ont eu raison de ces vaines questions. J'ai dormi.
Changement de gare, à Paris et comme autrefois, les couloirs du métro au galop, chargée comme une petite mule, ne pas relâcher la concentration avant d'avoir atteint, suant et soufflant, la seconde gare. Comme autrefois, toujours, s'écrouler dans le train suivant, croquer une pomme et reprendre le somme interrompu, plus sereine.
Entre deux somnolences, surgissent des bosquets givrés, irréels dans le soleil qui perce le brouillard. Dans un champ où une petite neige transparaît encore sous les feuilles vertes, trois biches, que la vitesse du train fige.
Comme autrefois, j'arrive dans une ville inconnue. Mais cette fois il n'y a pas d'hôtel. J'envahis de mes sacs et de mon bavardage un hôte doux et réservé qui me fait une place dans son logis, dans ses habitudes.
Au matin, je cavale, encore, soucieuse d'arriver à l'heure pour ce premier jour. A peine entrée je retrouve les sensations, les odeurs, les visages. Hier j'étais "accueillie", aujourd'hui c'est moi qui "accueille" mais les mêmes gestes reviennent, les questions rituelles. Je reprends avec délice le jargon du plateau. Pour quinze jours, juste quinze petits jours, goûter à nouveau au théâtre.
On jouera Shakespeare. Je passe ma première journée à défroisser, l'esprit léger, les fins volants de baptiste qui ornent les cols et les poignets d'une soixantaine de chemises. En guise de dessert, je tuyaute quelques fraises...
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