samedi 29 novembre 2008

To die, to sleep, perchance to dream





To die, to sleep;
To sleep : perchance to dream : ay, there's the rub

Hamlet - W. Shakespeare


Je n'agis pas, je ne réagis pas, je ne milite en rien. L'indignation m'étouffe et me paralyse. Je ne sais pas. Je ne veux pas.

Impuissante, je me recroqueville et me détourne incapable d'endurer la danse macabre du Vaste Monde. Comme je fuis certains jours, le menuet doux-amer de mon quotidien. Les jours où je fais de mille tracas anodins, une infranchissable montagne de plomb. Les jours où mon horizon devient une pièce, parfaitement circulaire, sans porte.

Dormir, rêver peut-être. Ou rêver, pour dormir, peut-être. Mon refuge n'a pas l'exigüité d'une cachette. Mon refuge est vaste comme un jardin secret. Sa porte est faite de carton, recouvert de cuir en de rarissimes occasions. On la tire vers soi et l'on découvre tout d'abord des pages. Des pages qu'il faut lire jusqu'à ce que l'œil n'en voie plus les mots. Lorsque les images se sont substituées aux mots, l'on sait alors que l'on est parvenu à pénétrer dans son Jardin Secret.
Mon Jardin est échevelé, touffu, je ne l'entretiens pas. J'engrange insatiablement lectures, peintures, illustrations, musique, théâtre et cinématographe, quand je le peux. Et du grenier de ma tête tombent des semences dans mon Jardin. Elles y germent à ma façon, si le terreaux leur est propice. Mon Jardin est délimité par ce qui n'y a pas encore poussé.

Lâcheté ? Faiblesse ? J'opte plutôt pour le choix délibéré de ma route au mieux de mes capacités. Le merveilleux m'est indispensable, vital comme l'eau et le pain. Je pourrais me mortifier de n'exercer qu'un métier où le futile le dispute à l'éphémère. Je pourrais entretenir des scrupules alors qu'autour de moi on lutte et on œuvre au devenir meilleur de la planète et de ses habitants. Mener de tels combats me verrait perdante, détruite. J'ai choisi de tenter de dispenser et transmettre quelques instant d'émerveillements. Des fragments d'histoires que chacun mettra sur son métier pour y continuer la sienne.

Aragorn* affirme : il est important que les contes soient dits. Esméralda Ciredutemps**, péremptoire et anxieuse ajoute : l'histoire doit être racontée entièremement, complètement. L'Homme ne vivra pas de pain seulement. Je ne garde que cette première partie de l'aphorisme, j'en ai le droit puisqu'il s'agit de mon Jardin Secret.

Dormir, rêver, survivre peut-être


Illustrations : John Anster Fitzgerald The Artist's Dream (détail) - 1857 et The Fairy Bower

*J.R.R Tolkien
**Terry Pratchett