mardi 5 mai 2009

La tête dans le carton à chapeau, de choses et entre autres, du bonheur

Il était temps de faire quelque chose avant que mon abondant lectorat ne commence à user du fil des commentaires en guise de post-it sur le frigo. Chéri, peux-tu ramener du pain - ma belette, pense à rentrer la chatte, elle est dans l'escalier - j'ai oublié le tire bouchon/l'ouvre-boîte/la clé des champs, etc, etc.

Il est maintenant de notoriété publique que la transhumance familiale vers la Bretonnie a commencé. Deux mois étant de toute manière largement insuffisants pour roder une cellule familiale monoparentale, j'ai soigneusement évité de mettre à profit se laps de temps pour devenir une mère célibataire ultra-performante. Il est toujours bon que l'être aimé se sente indispensable, même à 900 bornes.

Et là, je pense avoir été brillante. A l'heure où j'écris ces lignes, il doit soupirer en tapant son deux-cent soixante huitième message me demandant pour la deux-cent soixante huitième fois toujours aussi patiemment et gentiment de bien vouloir, s'il-te-plaît ma douce, m'envoyer les identifiants de Free. J'ai poussé le détail jusqu'à fondre en larmes une ou deux fois au téléphone, sanglotant que je n'y arrivais paaaaaaas que j'étais nuuhuuuhuuuhulle, que je ne pouvais pas tout faire à la foiiiiiiiiiiiis. Le terrain est parfaitement préparé pour que je puisse me la jouer pure feignasse lorsque la migration sera achevée. Machiavélique.

J'étais donc bien trop occupée a fomenter d'odieux stratagèmes pour jeter une ligne sur ce blog et la couche de poussière qui s'amoncelait sur le clavier m'en dissuadait davantage chaque jour. Cependant, durant toutes ces semaines, une petite pensée a continué à me démanger. C'est que, voyez-vous, à ma grande fierté, je fus taguée. Invitée par l'amie Nine à discourir du bonheur. "Fastoche !" me suis-je dit. Du petit bonheur façon Delerm troussé vite-fait, parce qu'on fond c'est ça le bonheur, hein, finalement.

Vraiment ?

Je ne saurais que trop remercier Nine : comme je gamberge depuis qu'elle a lancé ses lignes ! Cent fois j'ai voulu l'écrire, ce billet. Je le rédigeais dans ma tête en poireautant dans un embouteillage, en faisant la vaisselle, penchée sur ma machine. Chaque fois que je pensais le saisir, le sujet s'échappait, changeait de forme à tel point que j'ai presque fini par savoir ce que j'en pensais de ce fameux Bonheur.

Le Bonheur au fond c'est très surfait. On a monté l'affaire en épingle, on s'en est fait une montagne, c'est le loup blanc, l'Arlésienne, tout le monde lui court après. Et comme on désespère de l'atteindre un jour, on se console avec ses soit-disant "petits bonheur".

Et pour cause, LE Bonheur n'existe pas, ni le grand, ni les petits. On se trompe. C'est beaucoup plus simple. C'est du bonheur qu'il s'agit. On en a ou pas. Comme on a, ou pas, du pain dans la huche, du dentifrice à la salle de bain.

A quantifier ou qualifier le bonheur on se frustre. Un dit "petit bonheur" ne vaut pas moins qu'un grand puisque c'est du bonheur ! Cessons de courir après une chimère et savourons-le avec le même plaisir. Oh bien entendu, j'utilise la métaphore du pain et l'on pourra objecter qu'il existe du bon pain et du moins bon. Certes, mais à rechercher le Grand Bonheur il faut veiller à garder l'âme élastique, à ne pas se laisser engloutir à ne pas s'enfuir car il peut être bien plus imposant qu'on ne l'imaginait. L'arrivée de mon double Grand Bonheur m'a laissé plus de vergetures au cœur qu'au ventre et longtemps j'ai cru que je ne serai pas de taille. Il a fallu que je l'apprivoise, que je façonne ce Bonheur pour qu'il devienne du bonheur. Du bonheur pour qu'il soit possible à vivre, pour pouvoir en prendre tous les jours. Ou pas. Sans que ce soit une catastrophe.

Un bonheur de taille à me laisser jouir de tous les autres.