lundi 29 septembre 2008

Le Secret de la Pluie


Il était une fois un jeune homme qui avait pénétré par mégarde le Royaume des Fées. Accueilli et choyé par les maîtresses des lieux, favorisé par la Reine, il lui sembla ne passer que quelque heures parmi ces créatures merveilleuses. Lorsqu'au soir, il s'en retourna vers son village, nul ne le reconnut, tout avait changé. Ce qu'il avait pris pour quelques heures s'était mué en de longues années.

Bien des contes reprennent ce mythe du monde merveilleux, introuvable où l'on perd toute notion du temps.

C'est en un de ces lieux qu'il y a quelques temps, s'étaient conviés mutuellement une vingtaine de blogueurs se connaissant peu ou prou. Les liens tissés au fil des affinités virtuelles avaient fini par demander une plus consistante rencontre.

Comme dans les contes, la brume nous a isolés du monde et du temps. Sur ce royaume régnait Jardin, reine accueillante et énigmatique. Je la soupçonne d'avoir à dessein convoqué la pluie...

"Quelle déveine !" avons-nous d'abord pensé. Mais peu à peu, la pluie s'est mêlée des conversations, martelant le toit elle a ri autant que nous, encourageant nos libations de plics et de plocs, de glougloutements complices.
Et nous avons compris le Secret.

On la dit faite d'eau, mais la pluie est un puissant révélateur. Sur ce rideau de perles grises les couleurs sont apparues une à une.
Le vert, d'abord, lumineux, luisant, omniprésent. Puis quelques plumets violets sur un arbuste encore en fleur.
Ensuite des bleus : limpide celui des regards bretons ou lyonnais, de Chine sur des épaules féminines. Le bleu roi qui pare au matin une poupée de porcelaine au ventre rond.
Du rose indien et des rayures de sucre d'orge sur le pull d'une Sardine.
Et puis une céleste écharpe rouge et virevoltante.
Un parapluie magenta tourbillonne à la hauteur de trois pommes. Il a quatre pattes caoutchoutées.
Des yeux comme des perles de jais barrés de franges ou de moustaches tirés au cordeau.
A chacun sa couleur, nous étions feu d'artifice !

Enfin, au petit matin, en me haussant sur un muret j'ai découvert le potager de Cendrillon. Tapis sous leur feuillage mouillé, trois potirons vernissés comme trois lanternes oranges trouaient le brouillard !

En reprenant la route dimanche soir, encore tout éblouis, ébahis, ébaubis, nous étions prêts à affirmer être partis une pleine semaine. Il est apparu que seuls deux jours s'étaient écoulés. Deux jours à l'intensité de sept !


La photo a été honteusement volée à Fabio sans lui demander sa permission...

Edit : hourra, il est d'accord ! Merci Fabio :-)

11 commentaires:

  1. Merci d'avoir le sens du temps et de savoir le prendre pour écrire.

    à très bientôt :-)

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  2. La vache ... euh je veux dire, que ... je sais pas le dire ...

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  3. Incroyable la puissance de l'onde qui nous a tous traversés et nous fait vibrer encore... Un des plus beaux accords qu'il m'ait été donné d'entendre.

    Comme disait un grand prédécesseur : « L'essentiel est invisible pour les yeux »

    Effectivement, il n'y avait rien à voir, sauf les couleurs nées de la pluie que tu as si magnifiquement traduites.

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  4. Fabio est très content que sa photo serve à illustrer un si beau texte :-)

    baci de nous deux

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  5. @Sardine : aaah, prendre le temps, tout un art que je ne maîtrise encore pas vraiment (faut dire quand même que j'suis pas aidée...)

    @Yelrah : quoi dire ? c'est tout simple : meuuuh !

    @Swâmi : oui, c'était plus simple de ne parler que des couleurs. Ce qui résume assez bien, finalement le bouillonnement que fut ce week-end. Sinon le billet eut été interminable et indigeste

    @Céleste : c'est à moi de remercier Fabio pour ses photos merveilleuse et je suis heureuse d'avoir sa bénédiction :-) Baci anche a voi (urgh, mes leçon d'italien sont bien lointaines)

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  6. Le réel transfiguré par la poésie... j'ose à peine y croire, tellement c'est beau, et subtil aussi.

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  7. @Jardin : si, si, il faut y croire Jardin. C'est vrai puisque je l'ai vu !

    @Ko : meuheuh ! donguedonguedongue ! bêêêê !

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  8. Je reviens, v'la la micheline de 7h30

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  9. Joli, joli, bravo la plume, moi qui vous découvre à l'écrit après coup… (sans jeu de mot… ;-)

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  10. Du coup je reviens à mon tour te visiter, en catimini, honteuse de ma longue absence.
    Et m'émerveille de la poésie de ce texte; de ta sensibilté des couleurs, Costumière Aquarelliste…

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