mercredi 15 novembre 2006

La vérité sur le Père Noël

Autant se débarrasser tout de suite de la question principale : oui, il existe !

Comment le sais-je? C'est biens simple, il était l'autre jour dans mon atelier. Son costume est usé jusqu'à la corde et quelque bonne âme lui a glissé ma carte de visite. Il est donc venu faire prendre ses mesures et renouveller sa garde-robe, tout simplement. Si ce n'est pas une preuve, ça, je me demande bien ce qu'il vous faut !

De prime abord étonnament austère, il a ajouté quelques gouttes d'une flasque d'argent à la tasse de thé bouillant que je lui proposais et la conversation, petit à petit s'est dégelée.

Naturellement, je ne me permettrai pas de vous en livrer l'intégralité, mais, dans l'intérêt de chacun, il me semble de mon devoir de dissiper certains malentendus fermement ancrés dans nos esprits depuis que les Hommes ont inventé ces personnages qui chaque année, à date fixe, sont supposés livrer nuitamment chez petits et grands, les présents rêvés durants les derniers mois de l'An.

Qu'on se le tienne pour dit et que l'on se détrompe définitivement:

Enfants, ce n'est pas lui qui dépose sur vos chaussons rangés sous le sapin, devant la cheminée ou le radiateur la panoplie de l'Homme Araignée, la Station à Jouer ou le Chinchilla domestique que vous convoitiez ostensiblement et à grands renfort de catalogues brandis depuis le mois de septembre. Non, ça, ce sont vos parents, tatie Bertha ou Mémé Joséphine.

Non Madame, le coffret hors de prix "J'abhorre" de Tristan Bior (comprenant, l'eau de parfum, le bain moussant à deux vitesses et le lait corporel anti-capitons à l'huile de noyeau de pruneau), non Madame, ce n'est pas le Père Noël, c'est votre époux, ou ce cher tonton Jean-Jacques que vous voyez régulièrement de cinq à sept.

Et non, Monsieur, il n'est en aucune façon responsable de la 137e cravate reçue depuis votre mariage.

Contrairement à la légende, il ne travaille ni seul, ni une seule nuit par an et les lutins des forêts nordiques qui fabriquent de merveilleux jouets en bois ne sont que pure invention commerciale.

Mais alors ???

Ils sont plusieurs, lui, la Beffana, Babouchka, Tante Arie, St Nicolas et d'autres encore qui parcourent le monde à longueur d'années, de siècles. Ils sont solitaires, discrets. Parfois l'un croise l'autre acoudé au comptoir d'un troquet. Ils boivent ensemble un verre d'eau-de-vie, échangent quelques nouvelles, quelques suggestions puis repartent chacun d'un côté.

Ils travaillent au hasard, cueillent ici, déposent chez l'un, pas toujours chez l'autre. Ne se préoccupent ni d'équité, ni de justice, ni de date convenue. Ignorants que nous sommes nous appelions ça des "cadeaux de la vie", "des présents tombés du ciel". Ces bonheurs impalpables que nulle monnaie au monde ne peut acheter : instants donnés, moments de grâce, rencontres.

Ces quatres dernières années, le Père Noël s'est souvent arrêté chez moi. Il m'oubliera peut-être au cours des prochaines décennie. Mais l'autre jour, en sortant de mon atelier, il y a encore déposé quelque chose que la Babouchka lui avait envoyé, de Moscou. J'ai défait le paquet, dedans il y avait une amie retrouvée. Les amitiés de lycées sont illusoires, elles ne résistent pas au temps mais parfois, en émerge une, rare et formidable, que le temps n'a pas errodée et en un instant, par delà les kilomètres rejaillissent les discussions-fleuve, les souvenirs et surtout les rires. Oh, les rires!

Merci
Francis Ponge en 1954
© Lipnitzki - Viollet

Le retour du Tiroir dans le Carton

Ne me dites pas que ça fait déjà quatre mois ! Si ?

Non, je ne chercherai aucune excuse, je reprendrai les choses là où je les ai laissées il y a fort longtemps (me dit-on péremptoirement).

Le temps à passé, du fil a filé, de l'étoffe s'est déroulée, le vaste Monde soubresaute et à la relecture des derniers billets déposés dans le Carton à Chapeau, je vois que nous nous somme bigrement éloignés de l'énoncé de ce "carnet de route" qui annonce pourtant pompeusement : "Humeurs, recherches et farfouillis dans les tiroirs d'une costumière"

Il est donc grand temps que je vous ouvre un autre de mes tiroirs. Un de ceux que je n'entrebâille qu'à contre-coeur pour en ponctionner avaricieusement quelques mètres très justement calculés. Un de ceux où je me complais à brasser, froisser, essayer ces précieux entrelacs sur un costume encore en construction, puis que je remise bien vite en disant : "Non, je vais le garder pour quelque chose de plus important". Prétextes cousus de fil blanc, je thésaurises ces Chantilly, Alençons et points de Venise comme d'autres cousent jalousement leurs économies dans leur matelas, comme le font les enfants qui emplissent leur Boîte aux trésors de cailloux brillants, de morceaux de verre dépolis par la mer et de rubans de cadeaux.

Dentelles !