jeudi 28 décembre 2006

Patine


Il y a dix ans presque que ce guerrier là avait quitté ma table de travail pour s'en aller guerroyer. Lin ancien, rembourré de nappe de coton, ce gambison m'avait cassé bien des aiguilles et usé les doigts mais il était parti fièrement en bombant le torse.

Le poid, l'usure des anneaux d'acier d'une cotte de maille et de longues années de poussière et de soleil, la sueur des combats me l'ont ramené amaigri et usé mais patiné et je crois plus beau que du temps de sa jeunesse.

J'ai fouillé dans mes tiroirs, mes cartons, mes caisses pour retrouver quelques chutes de cette toile bise, sorti le fil de lin et raccomodé, rafistolé, changé les fermetures, tout en me demandant qui, au XIIIe siècle, aurait patiemment recousu ces accrocs dans le vêtement de ce vieux soldat sans nom. Une épouse ? Une soeur ? Une de ces filles de joie qui suivaient les armées ou l'homme lui même? Oui, je les vois bien, ces hommes. Autour du feu, avant l'assaut du lendemain, ils sortent une grosse aiguille, cassent une longueur de fil avec les dents et ravaudent ce matelassage qui demain leur épargnera peut-être pas le coup mais du moins l'aténuera.

Voilà, ce gambison est à nouveau en selles sur les chemins hasardeux de l'art de l'épée. Si le sel et le soleil n'en brûlent pas l'étoffe, je le verrai peut-être un jour revenir encore pour panser ses blessures.

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